Le sol Bukavien ne vibrera pas au rythme de l’art cette année. Des évènements culturels annoncés à Bukavu ont été délocalisés à Kinshasa. Conséquence de la situation sécuritaire très instable dans les provinces du Nord et Sud-Kivu.
Initialement conçus pour promouvoir les talents locaux, le Festival du Rap et du Slam « FESTIRAS » et le Festival Scolaire Scientifique Mabadiliko ont confirmé leur tenue dans la capitale congolaise. Victimes de cette crise, des artistes de Bukavu et Goma, principale cible de ces évènements culturels ne participeront pas aux éditions de cette année.
L’un des évènements culturels offrant une scène aux artistes locaux et d’ailleurs, Festiras (Festival du Rap et Slam) a annoncé la semaine dernière la tenue de sa quatrième édition à Kinshasa. Une action indépendante de la volonté des organisateurs qui promouvaient à leur manière l’art local, fait savoir Aldor Chibembe, son Directeur.
« La responsabilité ne revient qu’au contexte sécuritaire. Tout ce qui se passe à l’Est est connu du monde entier. C’est pourquoi ce que nous faisons est un plus pour mener des plaidoyers sur ce qui se passe dans nos villes à l’échelle national et international ».
Une dose amère pour les acteurs artistiques
Jadis un espace d’expression artistique et communion avec le public, la scène ne sera pas accordée aux ayant droits. Achille Argus, Artiste du Slam exprime une perte d’un cadre de détraumatisation des maux communautaires ;
« Tourner le dos n’a jamais été une solution dans une province reconnue pour sa résilience. C’est une frustration pour les artistes d’apprendre que les évènements qui leur étaient rentables n’auront pas lieu », lâche dans la douleur Achille Argus.
Pour Guy Murhebwa dit Léopard Beats, ce moment était une opportunité de connexion avec ses compères producteurs vénus de tout bord. Son regret est de ne pas jouir de ces privilèges cette année : « lorsqu’il y a des activités de ce genre, on se retrouve avec plus d’expériences mais sans cela, on restera sous nos toits ».
Impact de la délocalisation sur l’avenir de l’art au niveau local
A quelque chose, malheur est bon dit-on. L’opérateur culturel Janvier Mushagalusa perçoit la délocalisation des évènements culturels comme une opportunité offrant une forte visibilité aux projets artistiques. Il est aussi un champ de repérage des multiples partenariats qui plaideront à la fois pour les questions de la paix ainsi que leur contribution dans l’entreprenariat artistique. Il est impérieux, pense-t-il, que les autorités s’impliquent de plus en plus sur des questions de paix.
« Si l’insécurité persiste, nous ferons face à une menace de chute de croissance de l’art. L’impact d’une délocalisation sera significatif compte tenu du vide que ressentiront les artistes », souligne-t-il.
L’art local en mission
Une lueur d’espoir pour les artistes du Kivu. Les organisateurs du Festiras affirment qu’une portion d’artistes venant de deux Kivu se produira sur la scène de sa quatrième édition à Kinshasa. Inconnus jusqu’à présent du public, le Line Up portera ces artistes en tête d’affiche renseigne Aldor Chibembe.
« Nous avons des stratégies pour faire participer des artistes de Bukavu et Goma mais, ils seront en nombre réduit. Ces artistes seront comme des têtes d’affiches pour véhiculer les messages de paix et représenter le Kivu », affirme le directeur du Festiras.
Le retour de ce rassemblement culturel dans la province du Sud-Kivu dépendra de l’évolution du contexte sécuritaire dans la partie orientale de la Province du Sud-Kivu.
Ces évènements bénéfiques pour toute une population ne devraient pas être coupés totalement des villes qui les ont vus naitre. Les artistes approchés recommandent des stratégies techniques afin de faire vivre ces cérémonies à Bukavu et Goma par des canaux numériques.
Kathia Amina